Eglise Verte, semons l'espérance pour une terre vivante !

Avec Carole Legrand, Responsable d'Eglise Verte à la paroisse Saint Jean Baptiste du Val Iton

1. Présentation et Engagement

  • Carole, qu'est-ce qui vous a personnellement motivée à vous engager dans le projet "Église Verte" ?
    • Je suis née à la campagne, dans un petit village du sud-ouest, mes grands-parents et une grande partie de mes oncles et tantes étaient agriculteurs. Fille d’un petit entrepreneur de maçonnerie, j’ai eu une enfance modeste et très heureuse. Dans toutes les maisons que je fréquentais il y avait un jardin potager, des poules et des lapins et même des vaches. Papa et mémé Odette m’ont appris la forêt, les arbres et les végétaux, les oiseaux et les champignons. Le modèle familial était le fait maison : conserves, cuisine, habillement, vacances…

A partir de là, et bien que j’aie pris un chemin différent sur le plan professionnel, ces racines sont pour la plupart, restées ancrées en moi. Adolescente je faisais partie du MRJC (Mouvement Rural des Jeunes Chrétiens), j’y ai appris la fraternité, le partage et une forme d’initiation à l’écologie. J’ai toujours aimé la nature, la campagne et la montagne, les rivières et les lacs. Adulte, j’ai toujours eu un balcon fleuri ou un petit jardin pour mettre les mains dans la terre, faire pousser des fleurs et des légumes.

    • Depuis quelques années j’habite dans le quartier saint Michel d’Evreux, à proximité de l’église. Quel beau terrain de jeu ! Je voyais Marie-Joëlle affairée à semer et planter des fleurs pour embellir le site et fleurir l’église. Et le père Jean Vivien est arrivé sur la paroisse. Nous avons tous deux étés invités à participer à une réunion diocésaine. Au cours de cette rencontre, un groupe attaché au centre diocésain a présenté le label "Église Verte". L’idée de s’engager dans ce label pour notre paroisse a été une évidence. 

Pourquoi, quand et comment étaient à réfléchir. Mais la graine était semée.

2. Parcours et Mise en Place

  • Pouvez-vous nous expliquer comment a débuté la démarche de labellisation dans notre paroisse ?
    • Le label "Église Verte" est organisé sur le plan national et international depuis 2017, il nous a suffi de nous connecter sur leur site internet. La démarche et toute une somme de conseils y sont décrites pour aider ceux qui veulent s’engager.

Encouragés par l’exemple diocésain, nous devions constituer un comité de pilotage avec des personnes sensibles à la question de l’écologie, nous sommes cinq. Puis nous avons dû réaliser un éco-diagnostic pour évaluer notre situation de départ et proposer un premier plan d’action pour l’année 2022/2023.

L’éco-diagnostic questionne sur les pratiques écologiques de la paroisse dans cinq domaines (célébrations, bâtiments, terrain, engagement local et global, modes de vie) dans lesquels nous pouvons mener des actions pour la sauvegarde de la Création.

Nous avons une personne relai à "Église Verte" que je contacte régulièrement pour faire état de notre avancée. "Église Verte" propose des sessions de formation en ligne pour nous aider à déployer nos projets.  

  • Quels ont été les critères ou étapes les plus marquants pour obtenir ce label ?
    • La bonne surprise a été de voir l’enthousiasme et les idées qui fusaient dès le démarrage du projet. Nous avions déjà des idées avant de savoir d’où nous partions et où nous allions. Nous avons dû nous canaliser pour suivre la méthodologie proposée par le label. Il est essentiel de ne pas partir dans tous les sens et de réfléchir aux actions à entreprendre. Lors de notre première rencontre nous avons pris le temps d’échanger sur nos visions personnelles et d’en tirer une vision collective, un sens commun qui intégrerait obligatoirement les différentes facettes de l’écologie et en particulier celle de l’écologie intégrale.
    • La notion d’écologie intégrale, comme l’entend l’Eglise Catholique, s’attache à une conversion écologique globale qui se nourrit de l’espérance chrétienne et de la vie spirituelle, du respect de la vie, de fraternité et de justice sociale. « Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale (…), pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » Laudato Si, N°49. 
    • Nous avons lancé une première invitation aux paroissiens en janvier 2023 pour leur présenter le label "Église Verte" et les interroger sur les projets concrets à engager. Ils ont proposé un grand nombre d’idées que nous avons intégrées à notre plan d’action.

3. Actions et Projets

  • Quelles initiatives concrètes ont été mises en place depuis que la paroisse est engagée dans cette démarche écologique ?
    • La liste est longue et diversifiée, nous en sommes à notre troisième année d’engagement. Vous pouvez retrouver nos réalisations sur notre site internet dans l’onglet "Église Verte" et sur le blog.
    • Le premier pilier c’est la prière pour la Création que nous proposons à travers des célébrations spécifiques mais aussi dimanche après dimanche où la prière universelle intègre régulièrement la question de l’écologie intégrale. La sensibilisation des paroissiens à la préservation de la Création et à la protection des plus pauvres est essentielle.
    • Nous nous sommes particulièrement intéressés au domaine du terrain, puisque le site de saint Michel n’était pas exploité. Nous avons fait sonder le sol par un expert bénévole qui a conclu sur sa nature favorable à la culture. Puis nous avons offert la possibilité de céder des petites parcelles de terrain à cultiver. Le premier demandeur a été l’AFTC (Association des familles des traumatisés crâniens). Leurs locaux sont situés au niveau du faubourg saint Léger où ils proposent des activités très diverses à leurs membres. Il leur manquait un extérieur et ils ont répondu à notre proposition. A la belle saison, ils viennent sarcler, semer ou simplement s’aérer. Ce ne sont pas forcément des paroissiens, mais des voisins et quelle joie de discuter avec eux. Ils ont été abimés par la vie ; pourtant il émane d’eux un bonheur simple d’être ensemble. Puis trois autres parcelles ont été allouées gracieusement à des familles.
    • Nous avons planté de nombreux arbres fruitiers le long de l’église et dans le jardin du presbytère dont un figuier et de la vigne pour leur aspect symbolique. Ensuite nous avons débuté un jardin d’herbes aromatiques. Nous voulions planter pour que cela porte du fruit dans tous les sens du terme. Ces espaces sont libres d’accès, on peut y travailler pour se ressourcer, cueillir ou s’y promener.

  • Y a-t-il des projets à venir dont vous pouvez nous parler ?
    • Nous allons marquer, avec les paroissiens, quelques temps forts durant l’année. Trois sont prévus pour le moment, une journée pendant le carême, le jour de la fête paroissiale et à la fin de l’été sur le temps de la Création. Le programme de ces journées n’est pas encore entièrement défini.
    • Nous souhaitons privilégier la notion de « robustesse » par rapport à la notion de « performance », en privilégiant une action solide ancrée sur le terreau local. Nous avons imaginé construire une fresque collaborative à l’image de notre paroisse, sous la forme d’un long rouleau à enrichir de textes et d’illustrations, répondant à la question « Quelle est l’urgence écologique qui vous touche personnellement ? Racontez-nous ». Sa construction s’étalerait sur une année complète et pourrait déboucher sur des pistes à exploiter pour les projets à venir.

4. Sensibilisation et Mobilisation

  • Comment engagez-vous les paroissiens à participer activement à ces projets ?
    • On peut dire qu’il s’agit d’un point délicat : car même s’il y a des principes universels, chacun à sa vision personnelle de l’écologie. Avoir des principes dans sa vie personnelle et son mode de vie est une chose, mais les transposer sur la vie paroissiale en est une autre. Prendre en compte l’avis des paroissiens, rester réaliste dans les projets à mener, trouver les ressources matérielles et humaines et faire avec tout cela sans blesser personne. Ce qui est difficile c’est le « ensemble », alors nous essayons d’être à l’écoute et nous invitons à participer, chacun restant libre de s’engager concrètement. Certaines propositions emportent de l’engouement mais finalement peu d’engagement concret. Il faut donner l’exemple et garder confiance.
    • Peut-être faut-il retenir que c’est un changement à opérer sur le long terme pour sensibiliser les personnes, mettre les jeunes sur le bon chemin et continuer à semer. Les fruits ne nous appartiennent pas, c’est le Seigneur qui est Maître de cela.
    • Nous allons mettre en place, à partir de cette année, des chantiers collaboratifs sur plusieurs journées réparties dans l’année. Nous donnerons rendez-vous à toutes les personnes de bonne volonté, désireuses de donner un petit coup de main pour une heure, une demi-journée ou une journée entière. Plus nous serons nombreux, plus la tâche sera légère et plus ce sera convivial ! Il est important d’entretenir les jardins extérieurs et de participer à quelques menus travaux d’entretien pour le bénéfice de tous.
    • Je veux rappeler qu’il y a dans le sas de l’église de saint Michel une boite à idée que vous pouvez largement utiliser. Vous pouvez aussi nous laisser des messages au secrétariat ou des commentaires sur notre site internet.

  • Quels outils ou moments privilégiés utilisez-vous pour sensibiliser à l'écologie intégrale ?
    • Tout d’abord il y a la liturgie à travers la Parole de Dieu, les homélies, les chants et la prière universelle. Tout nous rappelle notre responsabilité personnelle face à la Création.
    • La clé c’est la communication : il y a les panneaux d’affichage à l’entrée de l’église de saint Michel et les annonces en fin de messe. Et puis il y a l’agenda et le blog du site internet sur lesquels on retrouve des articles sur des actions menées ou à venir. Des publications Facebook et Instagram ciblent un public plus connecté. Il est important d’utiliser des moyens très diversifiés pour toucher toutes les personnes qui gravitent autour de notre paroisse : les habitués mais aussi les personnes qui passent plus occasionnellement.
    • Le temps fort annuel le plus remarquable est le mois de la Création en septembre où de nombreuses actions sont proposées sur le plan national et faciles à mettre en œuvre sur le plan local. Chaque année depuis 2022 nous marquons cette période avec des propositions différentes.

5. Collaboration et Soutien

  • Comment travaillez-vous avec le Père Jean Vivien dans cette dynamique "Église Verte" ? En quoi son soutien est-il essentiel pour le projet ?
    • Nous travaillons en comité de pilotage où toutes les questions sont abordées sans voix prépondérante de l’un ou de l’autre. Toutes nos idées, remarques, questions sont partagées et examinées. Nous débutons nos rencontres avec un temps de prière où nous demandons au Seigneur de nous donner par son Esprit Saint un esprit de sagesse, de discernement, de conseil et de force afin que nous demeurions conscients de l’urgence du cri de la terre et des pauvres.
    • Le soutien du père Jean est essentiel à l’avancement de nos projets. Si le curé d’une paroisse n’était pas sensible à cette approche rien ne serait possible, ni les projets, ni les actions ou quelquefois les investissements nécessaires. Notre groupe est autonome dans ses orientations et notre programme, puis nos actions sont soumises à l’EAP (Equipe d’Animation Pastorale) qui elle-même est constituée du curé et de quatre laïcs à ses côtés.

6. Défis et Enjeux

  • Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées en chemin ?
    • Nous avançons avec notre bonne foi, après avoir réfléchi, nous être documentés, avoir pris des conseils avisés et sérieux. Quelquefois, nous avons été surpris par les vives réactions de certains. Alors nous devons rester calmes, expliquer, justifier parfois. Les prises de position contraires sont peut-être le fait d’un manque d’explication de notre part. Il faut accepter que nos choix ne puissent pas toujours faire l’unanimité, nous essayons simplement de faire au mieux.
  • Comment les avez-vous surmontées ?
    • Je veux volontairement faire une réponse courte : avec Foi et Persévérance.

7. Vision et Espérance

  • Selon vous, quel est l'impact à long terme d'une paroisse engagée dans la démarche "Église Verte" ?
    • Une paroisse engagée pour le respect de la Création est le gage d’une transformation en douceur de ses habitudes et des modes de vie des personnes qui la fréquentent. C’est comme lorsque des parents éduquent leurs enfants et sèment les valeurs qu’ils estiment importantes. Petit à petit, saison après saison, on n’en voit pas immédiatement les effets ; pourtant la voie est tracée. En nous questionnant sur nos choix et nos actions, nous voulons donner l’exemple d’un modèle reproductible par chacun. En nous tournant vers les autres, en faisant de la place à tous et aux faibles en particulier, en mettant nos forces ensemble, en fraternisant, nous choisissons d’agir pour préserver la Création, c’est une façon d’aimer notre prochain et d’agir pour la justice.
  • Quel message aimeriez-vous adresser aux paroisses qui hésitent encore à s'engager ?
    • J’espère susciter chez toutes les personnes de bonne volonté un cœur ouvert au désir d’entrer dans un chemin de conversion écologique.
    • S’engager dans le label Eglise Verte est un formidable outil pastoral qui peut prendre des formes très diverses selon la réalité de chaque paroisse. C’est à la fois très sérieux et un terrain de jeu formidable pour tous.

Date de dernière mise à jour : 22/01/2025

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